Les étudiants de
la 42ème promotion de l’EISMV de Dakar ont organisé Samedi dernier, une journée scientifique sur
le thème : «Bien-être animal, quels intérêts et place dans l’exploitation
convenable et durable des animaux ».Le président de cette promotion
sortante de vétérinaires, en marge de cet événement, revient sur l’importance
du bien-être des animaux tant de compagnie que de rente. Pour Geoffroy Djossa,
ce concept peut contribuer à l’essor socio-économique des états africains.
Une journée
scientifique sur le bien-être animal, de quoi retourne en fait cette
terminologie ?
Le bien être animal,
c’est le minimum qu’on puisse donner à un animal pour sa survie et sa
production. Ce minimum implique le fait de l’épargner de toute corvée inutile
et veiller à s’assurer de sa santé, l’épargner de faits qui puissent causer un
certain préjudice à son état de santé. En clair, c’est laisser l’animal (même
si sa domestication implique une certaine privation de liberté) dans son bio
top naturel.
Pensez-vous que dans le
contexte africain, assurer le bien-être animal soit aussi important ?
(Sourire) Oui ! En
Afrique, la question du bien être animal
est importante à plus d’un titre. D’abord il faut préciser que les animaux dont
il s’agit ici peuvent être classés en deux catégories : les animaux de
compagnie et ceux de rente. Pour ce qui est des animaux de compagnie, il y a
les carnivores et les équidés. Quand un animal de compagnie comme le chien par
exemple est bien vacciné donc en bon état, c’est toute la famille qui se porte
à merveille. Si l’on part du postulat que les enfants aiment s’amuser avec les
animaux de compagnie. Donc c’est d’une question de santé humaine, de santé
publique qu’il s’agit aussi. Pour ce qui
est des animaux de rente : prenons par exemple, le cas d’une vache qui
produit du lait. Si on ne la met pas dans de bonne condition, elle ne pourrait
pas produire au mieux de sa forme. Si l’éleveur ne s’occupe pas bien de son
animal, il ne saurait attendre de belles performances en retour de la part de
ce dernier. En Afrique, le bien être animal devrait pouvoir être intégré en
tant que piste d’actions pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.
Le bien être animal
peut-il être un facteur de développement pour les pays africains ?
Evidemment !
Prenez le cas des pays comme le Sénégal, le Mali, le Niger, où la plupart des
travaux domestiques et champêtres sont accomplis par les équidés (cheval, âne).
Un âne qui parcourt près de trente kilomètres pour une corvée d’eau pourrait ne
pas vivre assez longtemps pour effectuer cette tâche au quotidien s’il
n’est pas bien entretenu par son maître. Il devrait bénéficier d’une
attention particulière (soins sanitaires, nourritures et cadre de vie
appropriés) puisqu’il intervient inévitablement dans l’économie familiale.
Imaginez un instant ces corvées d’eau sans ces équidés !
En plus, aujourd’hui
nous parlons de plus en plus de mécanisation de l’agriculture dans les pays
africains. On demande à tort ou à raison aux paysans d’utiliser des tracteurs
sur un hectare de terre emblavé. Ce n’est pas logique vu que la portion de
terre ne suffirait même pas pour la manœuvre de ces machines. Les paysans font
donc recours aux animaux de rente pour régler ce problème. Vous convenez avec
moi que l’agriculture a vraiment besoin de ces animaux, qui méritent d’être
entretenus si l’on veut d’une agriculture efficace. Les pays comme le Sénégal
et la Côte-d’Ivoire ont réglé un temps soit peu la question de l’importance de
l’entretien des animaux pour en faire un levier de développement. Aujourd’hui,
la production de volailles au Sénégal couvre largement la demande nationale.
Plus besoin d’importer de la viande (la volaille notamment) pour couvrir les
besoins alimentaires de la population. On ne saurait atteindre ce stade si les
animaux n’avaient pas bénéficié en amont d’attention particulière et de soins
adéquats.
Le phénomène de la maltraitance
des enfants dans certains pays africains pourrait également trouver une
solution à partir du bien-être animal : un homme qui éprouve des
difficultés à battre son animal pourrait en faire autant d’un enfant, qu’il
soit le sien propre ou non. C’est donc une chose à promouvoir tant par les
éleveurs, les vétérinaires, les acteurs politiques qui investissent dans la production
animale.
Un appel à l’endroit
des autorités dans la promotion du bien être animal ?
Le bien-être animal est
un concept qu’il faut faire inculquer en chaque individu. En tant que
vétérinaire, nous n’avons pas la possibilité de faire passer ce message au plus
grand public. Il faut donc que les autorités étatiques nous aident à vulgariser
ce concept. Il serait bien intéressant d’insérer dans les programmes scolaires
notamment dans les cours de moral, d’éducation civique, etc…. cette notion du
bien-être animal. Faire comprendre à l’enfant que l’animal est aussi un être
vivant, doté d’une âme, de sensibilité et capable de ressentir une émotion. Pas
au point de mettre l’animal au même pied d’égalité que l’homme ; mais
plutôt de lui donner un minimum de respect, de confort. Il serait intéressant
d’apprendre déjà à l’enfant qu’un chien dans la rue par exemple, ne doit pas
être violenté au point de lui jeter même des pierres (pareil pour les équidés,
les ruminants, etc). Dans ce sens, les autorités ont une grande partition à
jouer en tant que l’éducation peut aider à jouer ce rôle de sensibilisation.
Les animaux sont partie intégrante de notre quotidien et nous devons nous en
occuper. Cela pourrait être un instrument de promotion de la paix : si
notre amour pour notre animal de compagnie ne peut nous permettre de lui causer
du tort, alors à combien plus forte raison un être humain, notre semblable. Le
bien-être animal peut donc aider à préserver la vie humaine.
Un conseil aux jeunes
qui pourraient ou non s’intéresser à la profession de vétérinaire ?
Aujourd’hui je souhaite
que les jeunes visent l’auto emploi. La profession de vétérinaire peut aider en
ce sens là aussi. D’autant qu’au-delà du fait d’assurer le bien-être animal,
ils peuvent s’investir dans l’élevage. Imaginez-vous un instant qu’un jeune
s’investit dans l’élevage des moutons dits « Ladoum » (une
originalité sénégalaise). A la période de la Tabaski, ce mouton peut coûter
jusqu’à cinq millions de francs… une bonne opportunité d’affaires, n’est-ce
pas ? C’est dire donc que cette activité peut nourrir son homme. Si les
jeunes souhaitent le faire, ils peuvent y arriver. Si l’on accorde une
attention particulière aux animaux (surtout de rente), ils pourront produire au
mieux de leur performance et pourront ainsi de facto assurer notre bien-être .
Propos recueillis par Samuel ADIMI
Geoffroy D. Djossa, président de la 42ème
promotion des vétérinaires de l’Ecole Inter-états des Sciences et Médecines
Vétérinaires (EISMV) de Dakar.