mercredi 26 mars 2014

Le bien-être animal, un facteur de développement pour l’Afrique

Les étudiants de la 42ème promotion de l’EISMV de Dakar ont organisé  Samedi dernier, une journée scientifique sur le thème : «Bien-être animal, quels intérêts et place dans l’exploitation convenable et durable des animaux ».Le président de cette promotion sortante de vétérinaires, en marge de cet événement, revient sur l’importance du bien-être des animaux tant de compagnie que de rente. Pour Geoffroy Djossa, ce concept peut contribuer à l’essor socio-économique des états africains.

Une journée scientifique sur le bien-être animal, de quoi retourne en fait cette terminologie ?
Le bien être animal, c’est le minimum qu’on puisse donner à un animal pour sa survie et sa production. Ce minimum implique le fait de l’épargner de toute corvée inutile et veiller à s’assurer de sa santé, l’épargner de faits qui puissent causer un certain préjudice à son état de santé. En clair, c’est laisser l’animal (même si sa domestication implique une certaine privation de liberté) dans son bio top naturel.
Pensez-vous que dans le contexte africain, assurer le bien-être animal soit aussi important ?
(Sourire) Oui ! En Afrique,  la question du bien être animal est importante à plus d’un titre. D’abord il faut préciser que les animaux dont il s’agit ici peuvent être classés en deux catégories : les animaux de compagnie et ceux de rente. Pour ce qui est des animaux de compagnie, il y a les carnivores et les équidés. Quand un animal de compagnie comme le chien par exemple est bien vacciné donc en bon état, c’est toute la famille qui se porte à merveille. Si l’on part du postulat que les enfants aiment s’amuser avec les animaux de compagnie. Donc c’est d’une question de santé humaine, de santé publique  qu’il s’agit aussi. Pour ce qui est des animaux de rente : prenons par exemple, le cas d’une vache qui produit du lait. Si on ne la met pas dans de bonne condition, elle ne pourrait pas produire au mieux de sa forme. Si l’éleveur ne s’occupe pas bien de son animal, il ne saurait attendre de belles performances en retour de la part de ce dernier. En Afrique, le bien être animal devrait pouvoir être intégré en tant que piste d’actions pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.
Le bien être animal peut-il être un facteur de développement pour les pays africains ?
Evidemment ! Prenez le cas des pays comme le Sénégal, le Mali, le Niger, où la plupart des travaux domestiques et champêtres sont accomplis par les équidés (cheval, âne). Un âne qui parcourt près de trente kilomètres pour une corvée d’eau pourrait ne pas vivre assez longtemps pour effectuer cette tâche au quotidien s’il n’est pas bien entretenu par son maître. Il devrait bénéficier d’une attention particulière (soins sanitaires, nourritures et cadre de vie appropriés) puisqu’il intervient inévitablement dans l’économie familiale. Imaginez un instant ces corvées d’eau sans ces équidés !
En plus, aujourd’hui nous parlons de plus en plus de mécanisation de l’agriculture dans les pays africains. On demande à tort ou à raison aux paysans d’utiliser des tracteurs sur un hectare de terre emblavé. Ce n’est pas logique vu que la portion de terre ne suffirait même pas pour la manœuvre de ces machines. Les paysans font donc recours aux animaux de rente pour régler ce problème. Vous convenez avec moi que l’agriculture a vraiment besoin de ces animaux, qui méritent d’être entretenus si l’on veut d’une agriculture efficace. Les pays comme le Sénégal et la Côte-d’Ivoire ont réglé un temps soit peu la question de l’importance de l’entretien des animaux pour en faire un levier de développement. Aujourd’hui, la production de volailles au Sénégal couvre largement la demande nationale. Plus besoin d’importer de la viande (la volaille notamment) pour couvrir les besoins alimentaires de la population. On ne saurait atteindre ce stade si les animaux n’avaient pas bénéficié en amont d’attention particulière et de soins adéquats.
Le phénomène de la maltraitance des enfants dans certains pays africains pourrait également trouver une solution à partir du bien-être animal : un homme qui éprouve des difficultés à battre son animal pourrait en faire autant d’un enfant, qu’il soit le sien propre ou non. C’est donc une chose à promouvoir tant par les éleveurs, les vétérinaires, les acteurs politiques qui investissent dans la production animale.
Un appel à l’endroit des autorités dans la promotion du bien être animal ?
Le bien-être animal est un concept qu’il faut faire inculquer en chaque individu. En tant que vétérinaire, nous n’avons pas la possibilité de faire passer ce message au plus grand public. Il faut donc que les autorités étatiques nous aident à vulgariser ce concept. Il serait bien intéressant d’insérer dans les programmes scolaires notamment dans les cours de moral, d’éducation civique, etc…. cette notion du bien-être animal. Faire comprendre à l’enfant que l’animal est aussi un être vivant, doté d’une âme, de sensibilité et capable de ressentir une émotion. Pas au point de mettre l’animal au même pied d’égalité que l’homme ; mais plutôt de lui donner un minimum de respect, de confort. Il serait intéressant d’apprendre déjà à l’enfant qu’un chien dans la rue par exemple, ne doit pas être violenté au point de lui jeter même des pierres (pareil pour les équidés, les ruminants, etc). Dans ce sens, les autorités ont une grande partition à jouer en tant que l’éducation peut aider à jouer ce rôle de sensibilisation. Les animaux sont partie intégrante de notre quotidien et nous devons nous en occuper. Cela pourrait être un instrument de promotion de la paix : si notre amour pour notre animal de compagnie ne peut nous permettre de lui causer du tort, alors à combien plus forte raison un être humain, notre semblable. Le bien-être animal peut donc aider à préserver la vie humaine.


Un conseil aux jeunes qui pourraient ou non s’intéresser à la profession de vétérinaire ?
Aujourd’hui je souhaite que les jeunes visent l’auto emploi. La profession de vétérinaire peut aider en ce sens là aussi. D’autant qu’au-delà du fait d’assurer le bien-être animal, ils peuvent s’investir dans l’élevage. Imaginez-vous un instant qu’un jeune s’investit dans l’élevage des moutons dits « Ladoum » (une originalité sénégalaise). A la période de la Tabaski, ce mouton peut coûter jusqu’à cinq millions de francs… une bonne opportunité d’affaires, n’est-ce pas ? C’est dire donc que cette activité peut nourrir son homme. Si les jeunes souhaitent le faire, ils peuvent y arriver. Si l’on accorde une attention particulière aux animaux (surtout de rente), ils pourront produire au mieux de leur performance et pourront ainsi de facto assurer notre bien-être .
Propos recueillis par Samuel ADIMI



Geoffroy D. Djossa, président de la 42ème promotion des vétérinaires de l’Ecole Inter-états des Sciences et Médecines Vétérinaires (EISMV) de Dakar.

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